ConférenciersValérie Spaëth Directrice de l'UFR Littérature, Linguistique, Didactique (LLD), elle est une des premières chercheure en DDLC à s'intéresser aux liens entre histoire, colonisation et enseignement des langues. Ces thèmes de recherche sont l'histoire de l'enseignement du FLES, l'histoire de la didactique du FLS, l'histoire de l'Alliance Israélite universelle et de l'Alliance Française, la francophonie et la politique et didactique du FLS. Sa conférence aura pour titre : Le français, une langue aux prises avec son histoire ?
Salikoko Mufwene Salikoko S. Mufwene détient la chaire Edward Carson Waller Distinguished Service Professor of Linguistics à l’université de Chicago. Il y est aussi professeur au département de Race, Diaspora, and Indigeneity. Il conduit ses recherches sur l’évolution linguistique d’une perspective écologique, notamment sur l’émergence phylogénétique du langage et sur la spéciation langagière. Ce dernier volet porte particulièrement sur l’émergence des parlers créoles et d’autres formes d’indigénisation des langues coloniales européennes, ainsi que sur la vitalité des langues. Sa conférence aura pour titre : La place du français en Afrique post-coloniale : la langue doit nourrir son homme Quel que soit le discours de l’OIF sur les bénéfices du français comme « langue en partage » entre ses pays membres (voir ci-dessous), il a été introduit pendant la période coloniale comme outil de contrôle et de domination des autochtones. Les domaines de son usage étaient non traditionnels, notamment dans l’administration coloniale et dans les strates supérieures de l’armée, de la police et du système judiciaire, ainsi que chez les cols blancs des services sanitaires et de l’économie où seuls les Européens (français ou belges) étaient aux commandes. Ceux-ci communiquaient avec les autochtones travaillant pour le succès de la Révolution industrielle en Europe et pour le développement économique des puissances coloniales à travers des « auxiliaires coloniaux » autochtones. Ceux-ci ont appris suffisamment de français pour servir comme interprètes tout en occupant le niveau le plus bas des institutions et des services identifiés ci-dessus. Les colonisateurs ont montré peu d’intérêt à partager leur langue avec les Africains autres que les auxiliaires. C’est après les indépendances que l’usage du français se répand grâce au maintien du système colonial de gouvernance politique et économique par ces anciens auxiliaires coloniaux qui prennent le pouvoir. La majorité écrasante des travailleurs fonctionnent quant à eux dans les langues autochtones. Ceux-ci ne montrent pas d’intérêt particulier au français sauf pour la scolarisation de leurs enfants dans l’espoir d’un avenir meilleur au leur. Le nombre d’écoles augmente ainsi que l’usage du français comme medium d’enseignement surtout après la troisième année du secondaire. Cependant, l’économie formelle où l’usage du français est considéré nécessaire se développe peu. Cette langue devient surtout un emblème de statut socioéconomique des élites économiques et politiques qui occupent désormais les positions des anciens colonisateurs. À part cela, le français se développe à peine comme vernaculaire majoritaire dans la plupart des anciennes colonies et se retrouve en distribution fonctionnelle complémentaire avec les langues autochtones. Certaines de celles-ci servent de lingua francas et se diffusent surtout à travers l’économie informelle/vernaculaire et la culture populaire. Elles indexent aussi une sorte de modernité urbaine chez les classes populaires. On se demande alors pourquoi le français, plutôt que les langues nationales africaines, est promu au rang de langue officielle, alors qu’il exclut la majorité des populations nationales. Les dirigeants politiques prétendent que leurs pays seraient autrement exclus de la scène internationale. Et pourquoi le français n’est-il pas plutôt considéré comme ce qu’il est vraiment pour la majorité des populations africaines : une langue étrangère utile, au même titre que l’anglais, le chinois/mandarin, l’allemand et le russe (entre autres), pour ceux/celles qui en ont besoin ? Pourquoi continue-t-il à fonctionner comme medium de scolarisation alors que peu de personnes en ont l’utilité dans leur vie quotidienne après l’école ? Qui profiterait du « partenariat » que promeut l’OIF entre ses pays membres pour combattre l’expansion impériale de l’anglais ? Les partenaires africains ne devraient-ils pas d’abord se soucier du fait que le français lui-même pourrait avoir le même effet sur la vitalité des langues autochtones ? Les états-nations africains ont-ils intérêt à vouloir s’européaniser ou ne devraient-ils pas plutôt se développer économiquement et politiquement comme entités culturellement africaines qui donnent priorité à l’utilité intra-nationale des langues ? Pourquoi ne pas adapter les langues autochtones aux besoins de communication moderne ? Tout ceci ne peut se faire sans d’abord développer une économie qui sert la majorité de la population et fonctionne entièrement dans des langues africaines.
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